

Crash mortel de l'émission Dropped : procès requis contre la production
Dix ans après un crash d'hélicoptères ayant fait dix morts lors du tournage de l'émission Dropped en Argentine, le parquet de Paris a requis un procès pour homicides involontaires à l'encontre de la production et d'un responsable sécurité.
La société Adventure Line Productions (ALP) et ce responsable "ont commis des fautes de nature à engager leur responsabilité pénale", et qui ont conduit à la tragédie la plus meurtrière de l'histoire de la téléréalité, a précisé le parquet à l'AFP.
Pour les familles des victimes du drame, dans lequel ont péri notamment trois sportifs français de haut niveau, la navigatrice Florence Arthaud, le boxeur Alexis Vastine et la nageuse Camille Muffat, la perspective d'un procès pénal se rapproche. Cinq membres français de la production et deux pilotes argentins avaient également été tués.
"Les familles ont enfin une réponse. C'est à la fois très tardif, mais en même temps c'est un soulagement. Elles seront maintenant très attentives à la décision du juge d'instruction", qui décidera de renvoyer ou non les mis en cause devant le tribunal, a réagi auprès de l'AFP Me Solenn Le Tutour, avocate des familles de victimes.
Le 9 mars 2015, le tournage de Dropped, jeu d'aventures prévu pour diffusion à l'été 2015 sur TF1, avait tourné au drame: deux hélicoptères Ecureuil étaient entrés en collision en plein vol avant de s'écraser, dans la province argentine de la Rioja.
L'accident avait eu lieu au départ de ce vol rapproché à basse altitude, visant à ce que le cameraman d'un appareil filme l'autre. Les candidats, eux, devaient être largués dans des zones isolées, puis avaient 72 heures pour retrouver la civilisation.
- Pas de briefing -
Le pôle accidents collectifs du parquet de Paris, qui a rendu son réquisitoire fin août, reproche à la production et au responsable sécurité de n'avoir organisé en amont du vol aucun briefing "en présence du second pilote", arrivé tardivement sur les lieux.
Une telle réunion aurait dû permettre "de s'assurer que la manœuvre en vol souhaitée par la production à des fins éditoriales soit parfaitement comprise par les deux pilotes", a souligné le ministère public.
Les organisateurs ne se sont pas non plus assurés du "respect des règles aéronautiques en vigueur concernant ce type de manœuvre en vol", a-t-il ajouté.
Sollicitée par l'AFP, la défense de la société de production ALP, poids lourd des jeux télévisés d'aventure tels que Koh-Lanta ou Fort Boyard, n'a pas commenté dans l'immédiat.
En revanche, "un non-lieu a été requis à l'encontre des autres personnes physiques mises en examen dans le dossier", soit les ex-dirigeants de la société de production.
Après l'accident, deux enquêtes judiciaires avaient été ouvertes, en Argentine et en France.
Vidéos et témoignages ont vite mis en cause une erreur de pilotage, hypothèse accréditée fin 2015 par la Direction d'enquête des accidents de l'aviation civile (Jiaac), l'équivalent argentin du Bureau d'enquêtes et analyses (BEA).
Mais la Jiaac pointait aussi d'autres défaillances: "Lacunes dans la planification" du vol, utilisation dans un cadre commercial d'hélicoptères publics, imprudences de pilotage pour des séquences spectaculaires.
En 2021, la justice française avait décidé de la mise en examen d'ALP soupçonnant une "faute caractérisée", avoir sous-évalué le budget affecté aux moyens aériens et privilégié les critères financiers dans le choix des pilotes et des hélicoptères, "au détriment de la sécurité des personnes".
ALP, aujourd'hui dirigée par Alexia Laroche-Joubert, est une filiale du poids-lourd de la production audiovisuelle Banijay fondé par Stéphane Courbit.
La société ALP a déjà été condamnée au civil. En 2021 notamment, la cour d'appel de Versailles l'a condamnée pour "faute inexcusable" à indemniser la famille d'un caméraman victime de l'accident.
Q.Henao--BT