

Le Danemark présente ses excuses aux victimes de la contraception forcée au Groenland
La Première ministre danoise Mette Frederiksen a présenté mercredi ses excuses aux victimes de la campagne de contraception forcée mise en oeuvre au Groenland jusqu'en 1992, levant un point de crispation majeur avec le territoire autonome danois.
"Nous ne pouvons pas revenir sur ce qui s'est passé, mais nous pouvons accepter nos responsabilités", a affirmé la cheffe du gouvernement dans un communiqué.
"C'est pourquoi je voudrais, au nom du Danemark, dire +pardon+".
Ces excuses, demandées par les victimes depuis plusieurs années, ont été accueillies positivement.
"Mes clientes sont contentes, c'est un grand pas", a réagi auprès de l'AFP Mads Pramming, l'avocat de près de 150 d'entre elles qui poursuivent l'Etat danois pour violation de leurs droits humains et demandent réparation.
"Reste à voir maintenant si l'Etat va reconnaitre sa responsabilité légale et proposer des compensations. Tant que ce n'est pas le cas, je ne sabre pas le champagne", a-t-il ajouté.
"Je suis heureuse mais cela intervient peut-être tard", a commenté l'une des survivantes, Henriette Berthelsen. "Ça engendre beaucoup de pensées", a-t-elle dit, sans plus de commentaires.
- "Comme un viol" -
Elle avait 13 ans quand on lui a posé un stérilet pour la première fois, sans qu'aucun accord ne soit donné.
Entre la fin des années 1960 et 1992, sur quelque 9.000 femmes en âge d'avoir des enfants, plus de 4.500 jeunes Inuites ont subi sans leur consentement ou, pour les mineures, celui de leurs parents, la pose d'un stérilet décidée par les autorités danoises.
Beaucoup d'entre elles sont devenues stériles à la suite de cette intervention et la majorité souffre de séquelles physiques ou psychologiques.
La campagne visait à limiter les naissances dans le territoire arctique qui, s'il n'était alors plus une colonie, restait sous tutelle de Copenhague, inquiète du fort taux de natalité.
Depuis le premier témoignage public passé inaperçu en 2019, les langues se sont déliées et beaucoup de femmes ont partagé leur histoire, dénonçant la "colonisation" de leurs corps et exigeant que le Danemark reconnaisse l'ampleur du traumatisme provoqué.
Naja Lyberth a été la première femme à témoigner.
Elle avait 13 ou 14 ans - sa mémoire est hésitante - quand elle a été sommée, avec les autres filles de sa classe, de se rendre chez le médecin.
"Son outil m'a pénétrée pour insérer le stérilet. C'était très froid et comme des coups de couteau à l'intérieur de moi. C'était très très violent", avait-elle confié l'an dernier à l'AFP.
"C'était comme de la torture, comme un viol".
- "Chapitres sombres" -
Ce dossier est l'un des nombreux sujets sensibles, comme celui des adoptions forcées ou du placement forcé d'enfants groenlandais au Danemark, affectant les relations entre les deux territoires.
"Nous savons qu'il existe aussi d'autres chapitres sombres liés à la discrimination systémique envers les Groenlandais", a relevé Mme Frederiksen.
"Mes excuses, au nom du Danemark, sont aussi des excuses pour ces autres manquements dont le Danemark est responsable, (par lesquels) les Groenlandais ont été traités différemment et de manière inférieure par rapport à d'autres citoyens du royaume", a-t-elle dit.
Près de 150 victimes ont porté plainte contre le Danemark et attendent la tenue d'un procès.
Les excuses danoises interviennent au moment où les Etats-Unis tentent, selon la télévision publique DR, d'utiliser les sujets de contentieux entre le Danemark et le Groenland pour gagner en influence sur le territoire arctique.
Le Premier ministre groenlandais Jens-Frederik Nielsen a également présenté des excuses, la pratique de contraception forcée s'étant partiellement poursuivie quand le Groenland est devenu responsable de son système de santé.
La cheffe du gouvernement danois a précisé que d'éventuelles compensations seraient envisagées une fois remises les conclusions d'une commission d'enquête indépendante.
En 2022, le gouvernement danois avait indemnisé six Inuits, qui avaient été séparés de leurs familles en 1951 et envoyés au Danemark afin de devenir l'élite danophone du Groenland, pour un montant total de plus de 200.000 euros.
D.Jaramillo--BT