

Après une évacuation en catastrophe, l'attente des réfugiés canadiens des feux
Quand Travis Bighetty a fui son village du centre du Canada, celui-ci était "pratiquement englouti par le feu" et de la cendre tombait du ciel. Depuis, comme des milliers d'autres évacués, cet autochtone a trouvé refuge à plus de 2.000 kilomètres, à côté des chutes du Niagara.
"Nous savions que le feu se dirigeait vers nous. Nous ne savions pas à quelle vitesse", raconte à l'AFP l'homme de 38 ans, qui a été évacué par hélicoptère. Autour de lui, il n'y avait "que de la fumée".
Il est parti dans la précipitation, sans avoir le temps de ramasser ses affaires, et sa fille de sept ans "n'a pas pu récupérer sa poupée à laquelle elle tenait tant".
Originaires d'un village dans la forêt au sein d'une communauté autochtone crie, située dans le nord de la province du Manitoba, le père et sa fille se retrouvent aujourd'hui à déambuler dans les rues de Nigara Falls, au milieu des touristes venus pour voir les chutes emblématiques.
Vêtu d'un costume gris et d'un chapeau de cow-boy récupéré la veille dans une distribution de vêtements, Travis Bighetty raconte maintenant l'attente qui se prolonge et dit avoir hâte de rentrer chez lui.
"J'aimerais retourner dans le pays de Dieu. J'aimerais retourner dans ma réserve, dit-il. Mais on nous a dit que cela prendrait du temps."
Au Canada, plus de 30.000 personnes vivant dans le centre et l'ouest du pays ont déjà dû être évacuées de chez elles en raison de feux de forêt très intenses. Plus de trois millions d'hectares de forêt ont déjà brûlé, l'équivalent de la surface de la Belgique.
Les évacuations touchent en grand nombre des communautés autochtones qui vivent dans des villages reculés au coeur de la forêt boréale.
- Choc culturel -
Dans les rues de Niagara Falls, ils sont nombreux à tuer le temps sur les terrasses des restaurants et des cafés de la ville touristique.
La municipalité est consciente qu'ils ont du mal à se sentir à l'aise dans un environnement urbain, explique à l'AFP Jo Zambito, chef des pompiers locaux et coordinateur des interventions d'urgence.
"Ils viennent d'une culture différente de la nôtre", souligne-t-il.
Outre des chambres d'hôtel, Niagara Falls tente de s'adapter et offre du soutien psychologique et aussi des activités récréatives pour occuper les enfants.
La ville est bien équipée pour accueillir des personnes en détresse venues d'ailleurs, estime Jo Zambito. Au total, 2.400 autochtones du Manitoba ont été évacués à Niagara Falls et les habitants ont fait des dons, mais la ville craint de surcharger le système de santé, ajoute-t-il.
Et surtout, le grand défi sera de tenir sur la durée et de faire face à l'incertitude pour les évacués. "Nous ne savons pas combien de temps ils vont rester ici", lâche-t-il, inquiet.
- "Je me sens seule" -
Florette Richard détourne la tête pour cacher ses yeux pleins de larmes quand elle raconte la fuite de son village de Cross Lake, dans le nord du Manitoba.
Cette mère de quatre enfants explique à l'AFP que deux d'entre eux n'ont pas accepté d'être évacués à Niagara Falls, si loin de chez eux. Donc la famille se retrouve divisée et Florette Richard a du mal à supporter d'être éloignée d'une partie de siens, notamment de son seul petit-fils, Ezra, âgé d'un an.
Même si avec son mari Norval, ils sont entourés par d'autres personnes originaires de sa communauté, elle confie son sentiment d'isolement.
"Je me sens seule. Ma maison me manque. Mon lit me manque."
V.Figueroa--BT